Casser le cycle de la violence de genre : travailler avec les agresseurs en Amérique latine et en Europe

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Amériques
En Colombie, 731 femmes ont été assassinées en 2016, soit 2,4 par jour en moyenne, selon l'Institut de médecine légale. Le Guatemala, de son côté, fait face au meurtre de deux femmes par jour en raison de leur genre. L’Europe n’est pas en reste puisqu’ONU Femmes y estimait le nombre de féminicides à 3000 en 2019. A l’occasion de deux journées d’échanges virtuels en juillet 2020, la composante Genre du programme EUROsociAL+ et le réseau européen Work With Perpetrators (WWP) se sont intéressés à la question des agresseurs et aux initiatives des deux côtés de l’Atlantique qui les intègrent dans leur stratégie de lutte contre les violences faites aux femmes.

Ces deux webinaires ont permis de créer des synergies entre des programmes en Amérique latine et en Europe poursuivant en but commun : la volonté de casser le cycle de la violence de genre, déconstruire la pression sociale du machisme qui pèse sur les hommes et éviter que les agresseurs masculins ne récidivent. Les experts invités ont pu présenter et échanger sur des exemples concrets d’initiatives mises en place dans cette optique.

Déconstruire les stéréotypes de genre

Par exemple, pour l’Amérique latine, Oscar Acevedo, expert EUROsociAL + basé en Colombie, a partagé son retour d’expérience sur le processus par lequel des agresseurs emprisonnés en Colombie et au Guatemala ont reconnu leurs actes de violence – une étape essentielle pour favoriser leur prise de conscience.  Selon lui, l’élimination des facteurs de risque pouvant pousser l'homme à reproduire des comportements sexuels criminels et le renforcement du lien entre l’homme emprisonné et sa famille facilitent la reconnaissance du délit. D’un point de vue culturel, c’est le machisme en tant que système de pouvoir légitimé au niveau mythologique, rituel et social ; et la construction de la masculinité qui en découle qu’il est nécessaire de déconstruire pour générer un changement de comportement durable chez les agresseurs. Oscar Acevedo nous explique que « ces conclusions ont été tirées de différents programmes latino-américains » – dont le VCM (Programme d’intervention avec des agresseurs condamnés au Guatemala) – menés dans les prisons avec des individus coupables de violences envers les femmes.

Côté européen, Heinrich Geldschläger, psychologue et psychothérapeute de l’association espagnole Conexus et aussi expert EUROsociAL+, est intervenu sur les résultats concluants du projet pilote ENGAGE (janvier 2018 - décembre 2019), co-financé par la Commission européenne dans le cadre du programme Daphné. Il a non seulement alerté sur la nécessité d’intégrer directement les agresseurs masculins dans la stratégie de lutte contre la violence sexiste mais aussi sur l’importance de sensibiliser les responsables politiques à ce sujet. Le potentiel des programmes de prévention et de réduction de la violence domestique contre les femmes et les enfants existants en Espagne, en Italie et en France a été accru via ENGAGE, qui a renforcé la capacité des professionnels de première ligne à répondre aux agresseurs masculins en leur faisant reconnaître leur comportement abusif. Suite à des interrogatoires respectueux à ce sujet, les agresseurs étaient alors incités à changer leurs attitudes et ont été orientés vers des services spécialisés appropriés afin d'accroître la sécurité des victimes.
 

Revoir les deux webinaires 

 

Réduire les violences à l’égard des femmes : un défi transatlantique

Si le défi est de taille en Europe, il est encore plus difficile à relever en l’Amérique latine où le Salvador, par exemple, connaît actuellement l'une des pires situations au monde : la proportion y est de 13,9 femmes tuées sur 100000 en matière de meurtres intentionnels, selon des chiffres de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC).

La raison principale ? Nombreux sont les pays dans cette région où le rôle attribué à la femme est ancré dans l’imaginaire collectif d’une société patriarcale qui ne sanctionne pas la violence des hommes. Des sociétés qui occultent ou permettent les violences de genre et qui arrivent à des niveaux de gravité conduisant, trop souvent, à la mort des femmes victimes.

Les webinaires organisés en juillet 2020 font partie d’un programme de travail conjoint entre la composante genre du programme EUROsociAL+ et le réseau européen Work with Perpetrators (WWP). Cette collaboration pourra aboutir à la création d’une plateforme bi-régionale de travail sur ce sujet d’ici la fin de l’année prochaine.

L’autonomie physique des femmes au cœur d’EUROsociAL+

La question des violences faites aux femmes est l’une des priorités de la composante Genre du programme EUROsociAL+, qui est structuré autour de 4 lignes d’actions : les trois autonomies (physique, économique et politique) et l’intégration du genre de façon transversale au sein des politiques publiques.

En juin 2020, EUROsociAL+ a par exemple organisé une série de webinaires dédiés à la question des violences de genre en période de Covid-19. Récemment, EUROsociAL+ a aussi finalisé l’évaluation du mécanisme d’alerte de violence de genre (AVGM) au Mexique. Procédure nationale fédérale de protection des droits des femmes, l’AVGM vise à réagir aux violences à fort risque féminicide dans chacun des Etats fédérés du pays, tout en coordonnant les acteurs aux différents niveaux administratifs par le biais d’un ensemble de mesures gouvernementales d’urgence.

 

 

 

En savoir plus sur le volet Genre d'EUROsociAL+

EUROsociAL+ est mis en œuvre par un consortium dirigé par la FIIAPP (Espagne), et composé d’Expertise France, de l’Istituto Italo Latino Americano (IILA - Italie) et la Secretaría de la Integración Social Centroamericana (Sisca). Expertise France est responsable de la mise en oeuvre du volet Genre du programme.

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