La plateforme « Santé Covid EF », un dispositif agile pour un accompagnement sur mesure des autorités africaines

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Afrique subsaharienne
Lancée dès le printemps dans le cadre de l’initiative « Covid-19 – Santé en commun » du groupe AFD, la plateforme « Santé Covid EF » apporte, via son réseau d’experts en France et sur le terrain, un appui technique aux autorités sanitaires de pays vulnérables dans la gestion de la crise sanitaire. Retour sur les sept premiers mois du dispositif avec des membres de la Plateforme, qui insistent sur l’importance de travailler aux côtés des pays partenaires – comme la Guinée et le Tchad – pour définir des solutions sur mesure.

Même si l’épidémie de Covid-19 est, pour l’instant, plus limitée que prévu initialement sur le continent africain, les systèmes de santé restent vulnérables : leur état risquerait, dans de nombreux pays, de ne pas permettre de faire face à une hausse brutale des cas. La peur de la pandémie peut aussi détourner certaines populations des systèmes de santé et donc nuire à la prise en charge d’autres maladies. 

« Malgré la fatigue et les priorités économiques, la progression du virus doit continuer à être contenue, appuyée par des activités qui ont fait leurs preuves », explique Eric Sattin, médecin de santé publique, expert en matière de coopération sanitaire, de renforcement des systèmes de santé et de contrôle des épidémies sur la plateforme « Santé Covid EF » . L’application de toute une gamme de mesures – prévention, recherche active des cas et des cas contacts, isolement… – est donc essentielle à la bonne gestion sanitaire de l’épidémie. Un travail sur lequel la plateforme d'appui technique « Santé Covid EF » se mobilise auprès des pays partenaires qui en font la demande

La plateforme, une réponse agile dans un contexte imprévisible

« Notre réponse a été quasi-immédiate après l’annonce de la pandémie par l’Organisation mondiale de la santé le 11 mars », rappelle Maryse Simonet Camara, coordinatrice technique de la plateforme. Face à l’urgence, Expertise France se mobilise aux côtés de l’Equipe France pour structurer la future plateforme « Santé Covid EF ».

Problème : au printemps 2020, les restrictions des déplacements internationaux empêchent de déployer des experts techniques sur le terrain et le foisonnement d’informations sur le nouveau virus compliquent l’élaboration d’un plan de riposte efficace. « L’une des forces d’Expertise France, c’est son réseau d’experts en santé sur le terrain », souligne Caroline Comiti, responsable du pôle d’Appui technique et transversal au sein du département Santé d’Expertise France. La plateforme décide donc de s’appuyer sur ces experts en santé, qui résident déjà sur place et connaissent bien les contextes nationaux : ils deviennent points focaux.
 

L’une des forces d’Expertise France, c’est son réseau d’experts en santé sur le terrain
 

Au Tchad, cela a permis à Expertise France de rapidement se mobiliser aux côtés des autorités. « Grâce à la plateforme Covid-19 d’Expertise France, nous avons bénéficié dès le mois de juin 2020 de la revue documentaire et des formations spécifiques organisées en format webinaire. Ces formations ont été fortement appréciées », explique le professeur Choua, coordinateur de la riposte Covid auprès de la présidence de la République du Tchad.

A Paris, l’équipe de coordination se double progressivement d’un pôle interdisciplinaire d’experts de référence compétents en santé, coopération au développement et gestion de crise sanitaire, couvrant des sujets clés pour lutter contre le coronavirus (prévention et contrôle des infections, sécurité sanitaire, suivi laboratoire et tests, communication sur les risques santé…).

Lutter contre une vague pandémique et infodémique

« Nous avions beaucoup d’inconnues sur l’impact de l’épidémie en Afrique, notamment sur des systèmes de santé faibles et peu résilients », explique Caroline Comiti. Dès la fin mars, les membres de la plateforme s’attellent donc à développer la base documentaire, une composante essentielle du dispositif. Car les informations sur le nouveau virus foisonnent : « A ce moment-là, l’infodémie était un réel enjeu », explique Maryse Simonet Camara. « Notre objectif était de structurer un dispositif qui rassemble des connaissances validées sur la Covid-19 », précise-t-elle, « tout en faisant remonter de l’information depuis le terrain, pour documenter les contextes sanitaires nationaux et identifier les besoins ».
 

Rassembler des connaissances validées sur la Covid-19 tout en faisant remonter de l'information depuis le terrain


Mi-octobre, la base rassemble déjà plus de 1500 documents triés. Ces informations peuvent, via le réseau de points focaux, être utilisés par l’Equipe France (ambassades, groupe AFD…) et par la « Team Europe » (Union européenne, Etats membres…) pour orienter leurs appuis financiers. Les quatorze points focaux – douze initialement – peuvent eux aussi s’appuyer sur la base documentaire et sur le pôle d’experts de référence pour favoriser la prise en compte de connaissances sur la Covid-19 qui soient validées et pertinentes au regard des différents contextes nationaux.

Des savoir-faire complémentaires mobilisés

Ces points focaux ont un rôle crucial pour conseiller et appuyer les autorités de leurs pays respectifs. « La vraie valeur ajoutée de la plateforme, c’est l’accompagnement contextualisé, de façon à proposer des solutions sur mesure, que les pays partenaires pourront s’approprier et mettre en œuvre », souligne Maryse Simonet Camara. « La réponse africaine ne peut être la réponse européenne. Là où l’âge médian est d’une vingtaine d’années, ce n’est pas sur la réanimation qu’il faut se concentrer : il faut plutôt maintenir les services de santé essentiels et protéger le personnel soignant », précise Caroline Comiti.
 

La vraie valeur ajoutée de la plateforme, c'est l'accompagnement contextualisé


Pour qu’ils puissent au mieux jouer leur rôle de conseil, les points focaux bénéficient de formations organisées par le pôle d’experts à Paris, sur des thèmes liés à la gestion de la pandémie. « En effet, même s’ils étaient experts santé, les points focaux n’étaient pas spécialistes de la gestion de crise sanitaire ou des épidémies, qui est un métier à part entière », note Caroline Comiti, « et il fallait donc les appuyer dans ce domaine ». Epidémiologie, prévention et contrôle des infections, prise en charge des cas Covid, préparation des systèmes de santé à la vaccination… Douze formations pour les points focaux ont été organisées depuis fin mars. Certaines d'entre elles consistent en un accompagnement des points focaux dans le partage de leur expérience, à la fois pays et plateforme, avec le réseau. Cette approche interdisciplinaire permet d’avoir une approche plus complète de la problématique, dans un souci de cohérence, de complémentarité et de réconciliation des savoirs.
 

Un réseau d'experts qui comprend des professionnels issus du système de santé français, mobilisés par exemple au Tchad


Par ailleurs, la plateforme appuie les autorités dans la définition de leurs besoins de formation et réponds à certaines demandes urgentes, liées à la pandémie, avec à l’appui, son réseau d’experts qui comprend, par le biais de partenariats, des professionnels issus du système de santé français, issus notamment de l’AP-HP, de l’Institut Pasteur et bientôt du Centre collaborateur de l'Organisation mondiale de la santé pour la recherche et la formation en santé mentale (CCOMS).

Par exemple, au Tchad, dès août 2020, les compétences de l’Institut Pasteur ont permis de former les personnels de laboratoire. Puis, en septembre 2020, la plateforme a permis l’appui technique de réanimateurs tchadiens par des réanimateurs de l’AP-HP, une première étape d’un accompagnement en vue d’expliquer et remédier, par des solutions validées et adaptées, à la surmortalité par insuffisance rénale, observée en réanimation. « On ne fait pas « à la place de » : le but est de faciliter l’émergence de solutions concrètes, en conciliant d’une part, le court et le  long terme, et d’autre part, les sciences et les réalités de terrain », insiste Caroline Comiti.

Accompagner les pays avec des solutions sur mesure

« Il fallait agir vite et de façon coordonnée, mais en veillant à travailler avec les autorités sanitaires des pays partenaires, sans se substituer à elles », souligne Maryse Simonet Camara. L’articulation entre urgence et développement est un élément clé : « L’important était de développer un savoir-faire approprié, qui réponde à l’épidémie tout en renforçant les systèmes de santé des pays partenaires ». Maryse Simonet Camara ajoute : « Il ne faut pas perdre de vue que la prévention et le contrôle des infections, en particulier dans les services de soins essentiels, sont à la fois une réponse clé à la crise Covid et une stratégie de résilience à long terme pour les systèmes de santé ».
 

En Guinée, on a travaillé avec les autorités sanitaires pour adapter la réponse au coronavirus, moins mortel qu'Ebola mais plus contagieux


La Guinée, suite à l’épidémie d’Ebola, avait structuré un dispositif de réponse aux épidémies, avec notamment la mise en place de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSS) – qui coordonne aujourd’hui la riposte. Il fallait élaborer une réponse spécifique, car le nouveau virus n’a pas les mêmes caractéristiques : « On a travaillé avec les autorités sanitaires pour adapter la réponse au coronavirus, qui est moins mortel qu’Ebola mais qui, par contre, est contagieux avant l’apparition des symptômes », précise Caroline Comiti.

« Nous avons pu nous appuyer sur la base documentaire, qui est un outil précieux d’aide à la décision pour les autorités sanitaires – par exemple en matière d’emploi des tests Covid, le choix des masques, la gestion des corps, la rédaction du plan national de vaccination … », explique Sandrine Ségot-Chicq, conseillère technique auprès du directeur général de l’ANSS. L’équipe de trois experts en place à Conakry a ainsi pu conseiller la Guinée sur la politique de prévention, de communication de crise, de suivi-évaluation des stratégies mises en place , en matière d’emploi des tests Covid, de communication de crise, de rédaction du plan national de vaccination…

Maintenir l’élan

La réorganisation des services de santé affectés par la Covid-19 est un autre défi de taille, car de nombreux publics cibles – femmes enceintes, parents d’enfants à faire vacciner… – ont pu se détourner des systèmes de santé par peur d’être contaminés. Le maintien des efforts contre les autres maladies est par exemple un sujet prioritaire pour la gestion de crise sanitaire. Facilité mise en œuvre par Expertise France et complémentaire du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, L'Initiative a adapté son soutien en ce sens : « Il est primordial de maintenir les services essentiels à la lutte contre les trois pandémies, malgré la crise générée par la Covid-19 », explique Eric Fleutelot, directeur technique du pôle Grandes pandémies au sein du département Santé d’Expertise France.
 

On souhaiterait formaliser un dispositif redéployable en cas d’autres crises sanitaires


Alors que de nombreux pays européens sont désormais confrontés à une deuxième vague, « notre défi est de maintenir cet engagement sur la durée », soulève Caroline Comiti, « jusqu’à la disponibilité d’un vaccin et d'une immunisation collective suffisante. « A partir de l’expérience innovante de cette plateforme, on souhaiterait formaliser un dispositif redéployable en cas d’autres crises sanitaires, aux services des pays partenaires, de l’Equipe France et Europe. Une évaluation externe devra nourrir la formalisation d’un dispositif agile, une sorte de plan blanc d’urgence de la coopération au développement, ciblant l’expertise technique en santé », conclut Maryse Simonet Camara.
 

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