Les mesures alternatives à la détention, outil de lutte contre le crime organisé

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Uruguay

Le 19 et 20 septembre, trois programmes régionaux de coopération de l'Union européenne – EL PAcCTO, COPOLAD II et EUROsociAL+ – ont organisé en Uruguay une conférence sur le développement de l'usage de mesures alternatives à la privation de liberté. Le développement de ce type de mesures est l’une des priorités d’EL PAcCTO. Depuis 2017, le programme a accompagné six pays d’Amérique latine sur cette thématique.

Organisée à Montevideo, la conférence a permis de définir les voies par lesquelles les équipes d’EL PAcCTO pourront continuer à collaborer avec les pays latino-américains pour renforcer les mesures alternatives à la privation de liberté. Forme d'accomplissement des peines qui ne nécessite pas d’incarcération, les mesures alternatives à la détention sont accordées par le tribunal qui prononce la peine ou par les institutions chargées de l'accomplissement de la peine.

Cette conférence s’est conclue par l’adoption d’une déclaration commune entre les différents participants qui appelle à une utilisation plus systématique des mesures alternatives à la prison.

 

 

Les risques de la surpopulation carcérale

De nombreuses études internationales soulignent que la prison ne peut être la seule solution pour lutter contre la criminalité. Partout dans le monde – et l'Amérique latine ne fait pas exception –, de nombreux États doivent faire face à une surpopulation carcérale atteignant parfois des niveaux alarmants. En plus de porter atteinte à la dignité humaine des personnes privées de liberté, la surpopulation empêche ou complique la mise en œuvre de programmes de réinsertion sociale, ainsi que la séparation physique entre détenus dangereux et petits délinquants ou primo-infracteurs.

De plus, la prison devient souvent une école du crime, favorisant la prolifération de groupes criminels. Tirant parti des faiblesses des systèmes causées par la surpopulation, plusieurs organisations criminelles se sont formées et renforcées dans l’environnement carcéral. Agissant à l'intérieur et à l'extérieur des centres de détention, ils mettent à mal la sécurité des prisonniers et de la société dans son ensemble.

 

 

Mesures alternatives contre le crime organisé

C'est pour ces raisons qu’EL PAcCTO soutient le recours à des mesures alternatives à la privation de liberté. Le programme considère qu’elles sont essentielles pour décongestionner les systèmes pénitentiaires et concentrer l'attention sur les personnes privées de liberté les plus dangereuses, qui peuvent potentiellement recruter de nouveaux membres dans les prisons. C’est dans cette optique que ces mesures constituent également un outil essentiel de lutte contre le crime organisé.

Etat des lieux des mesures alternatives à la prison en Amérique latine

En mai 2018, à Panama, EL PAcCTO a organisé un premier atelier pour identifier les besoins existants en matière d’application des mesures alternatives à la détention. L’objectif était de générer une dynamique de travail interinstitutionnelle, jugée essentielle pour parvenir à une mise en œuvre effective de ces mesures. Ce travail a abouti à l'élaboration d'un Catalogue de mesures alternatives à la privation de liberté. Cet outil fondamental débute par l’analyse des législations nationales et se conclut par des recommandations pour sa prise en compte par les États.

Depuis lors, 10 assistances techniques spécifiques ont été déployées dans 6 pays d'Amérique latine dans le but de faire progresser la mise en œuvre des différentes formes de mesures, tout en promouvant également la coordination interinstitutionnelle entre les acteurs impliqués.

 

Comment les pays d'Amérique latine appliquent-ils des mesures alternatives à la prison ?

Argentine : EL PAcCTO soutient le renforcement de l'usage de la surveillance électronique en appliquant un protocole de procédures de contrôle et en développant des mesures alternatives spécifiques pour les toxicomanes. Le ministère de la Justice et des Droits de l'Homme a demandé la collaboration du programme afin de sensibiliser la population à l'utilisation de mesures alternatives et mobiliser tous les acteurs institutionnels.

Brésil : Les experts d'EL PAcCTO ont soutenu le DEPEN dans le développement de l'usage de mesures électroniques et la favorisation d'un processus de réinsertion des personnes privées de liberté dans la société. Par ailleurs, le Brésil a été aidé à renforcer une dynamique de travail interinstitutionnel avec des recommandations spécifiques visant à favoriser le dialogue interinstitutionnel au niveau fédéral et la coordination entre les niveaux fédéral et national.

Chili : Après une assistance technique organisée fin 2018 avec pour objectif d'évaluer l'application de peines alternatives qui a permis de formuler des recommandations à cet égard, EL PAcCTO a aidé en 2019 le ministère de la Justice et des Droits de l'Homme et la Gendarmerie du Chili à définir un protocole destiné à appliquer la surveillance télématique et à proposer des directives visant à renforcer la mise en œuvre de la prestation de services à la communauté.

Costa Rica : Le ministère de la Justice et de la Paix a bénéficié du soutien du programme et a encouragé le recours à la surveillance électronique pour les délits mineurs afin de lutter contre la surpopulation dans les centres pénitentiaires. Les personnes privées de liberté (PPL) soumises à cette mesure de substitution sont passées d'un peu moins de 200 à plus de 1 300 (plus de 500%) au cours des 18 derniers mois. Le programme continuera d’aider le Costa Rica à renforcer l’usage et le suivi de la surveillance électronique.

Panama : EL PAcCTO a dressé un état des lieux des mesures mises en œuvre par l’Institut d’études interdisciplinaires (IEI), comprenant des recommandations pour définir les modalités d’application de mesures alternatives pour les adolescents et les jeunes.

Pérou : Afin de réduire la surpopulation carcérale et d'assurer la sécurité publique, en évitant les écoles du crime, une coopération efficace entre l'INPE et le pouvoir judiciaire a été activée pour la mise en œuvre effective des mesures alternatives. Les prochaines étapes seront la signature d'un protocole de mise en œuvre pour en faciliter l'action et garantir le bon usage de ces mesures dans le pays.

 

 

EL PAcCTO est un programme financé par la Commission européenne et mis en œuvre par Expertise France, et la FIIAPP, avec l’appui de IILA et de Camões. Couvrant la chaine pénale dans son ensemble, il vise principalement à lutter contre le crime transnational organisé et au renforcement des institutions chargées de garantir la sécurité des citoyens, dans 18 pays d’Amérique latine.         

 

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