« Notre ambition est de rendre toutes nos politiques climato-compatibles de manière à insuffler une vraie intégration du climat dans la région »

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Le 29 avril 2022, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) s’est dotée de sa première stratégie régionale climat. Par ce document, l’organisation ouest-africaine s’engage aux côtés et en soutien de ses quinze États membres pour faire du climat une priorité de l’action politique de la région. À travers le projet GCCA+ Afrique de l’Ouest, financé par l’Union européenne, Expertise France a soutenu la Commission de la CEDEAO dans l’élaboration de cette stratégie. L’agence continue de s’impliquer aux côtés des institutions régionales et des États de l’Afrique de l’Ouest, en intensifiant et en diversifiant son action face aux changements climatiques.

Dans cette interview, Mme Massandje Touré-Litse, Commissaire aux Affaires Economiques et à l’Agriculture, Commission de la CEDEAO nous en dit plus sur les enjeux en matière de lutte contre les changements climatiques dans les Etats de la CEDEAO et l’apport du projet GCCA+ Afrique de l’Ouest.

 

 

Quels sont les enjeux pour la CEDEAO en matière de lutte contre les changements climatiques ?

Les changements climatiques sont un sujet de préoccupation vital pour les économies, les sociétés, les communautés et les écosystèmes ouest-africains. Les effets du réchauffement planétaire sont en train de transformer l’environnement régional et augmentent la fréquence et l’intensité des phénomènes météorologiques extrêmes de manière brutale en Afrique de l’Ouest. Ces changements qui affectent le climat de notre planète sont en train de redessiner le monde et d’accroître les risques d’instabilité et d’insécurité sous toutes ses formes. Cette tendance des changements climatiques est clairement réaffirmée par le GIEC dans son 6ème rapport d’évaluation.

Le changement climatique est un enjeu prioritaire pour l’Afrique de l’Ouest. L’Afrique est le continent qui contribue le moins aux émissions de gaz à effet de serre, mais il est parmi les plus vulnérables aux impacts des changements climatiques. En effet, neuf des trente pays les plus vulnérables au monde se trouvent dans la zone ouest-africaine, et quatre parmi les 10 pays les plus vulnérables.

Les émissions des pays de l’espace CEDEAO représentent 1,8% des émissions mondiales de gaz à effet serre. Tous les pays de la CEDEAO émettent en moyenne moins d’une tonne de CO2 par habitant et par an. 

Face à la gravité des impacts à venir, “Agir Ensemble” dans le cadre de la solidarité régionale est une nécessité absolue pour permettre à la région ouest-africaine de réduire sa vulnérabilité et faire face, de façon collective, aux risques induits par les impacts des changements climatiques, lesquels, par définition, n’ont pas de frontière.

En effet, les impacts des changements climatiques sont transfrontaliers et c’est ensemble que les Etats membres de la CEDEAO peuvent relever ce défi.  

Agir sur le climat à l’échelle de la zone CEDEAO est essentiel car la coordination des interventions et la solidarité entre les Etats membres sont les clés d’une action efficace et durable sur le climat. 

Une coordination régionale de la réponse au changement climatique est indispensable, notamment sur le volet de l’adaptation, compte tenu des impacts partagés, de l’étendue des ressources et écosystèmes en partage et des risques inhérents aux forts contrastes observés dans l’espace CEDEAO. En outre, la contribution des institutions dédiées à l’intégration économique et à l’émergence d’un marché régional fort, offre des opportunités de promouvoir une économie à faible émissions de gaz à effet de serre et permettrait de sortir les pays de sentiers de développement incompatibles avec leurs propres priorités en matière de changement climatique.

 

Quel a été l’apport du projet GCCA+ Afrique de l’Ouest mis en œuvre par Expertise France dans la mise en place de la stratégie régionale climat de la CEDEAO ?

La Stratégie Régionale Climat de la CEDEAO et son plan d’actions à 2030, ont été adoptés par la Quatre-Vingt-Huitième Session Ordinaire du Conseil des Ministres de la CEDEAO tenue du 30 juin au 1er juillet 2022 à Accra (Ghana).

Expertise France, via le projet GCCA+ AO, a été mandatée par la Commission de la CEDEAO pour l’accompagner dans le processus d’élaboration de sa première stratégie régionale climat.

En réponse à cette sollicitation le projet GCCA+ AO a mis en place une équipe d’experts multidisciplinaires en soutien au Département agriculture, environnement, ressources en eau (DAERE) de la Commission de la CEDEAO en charge de l’animation du processus d’élaboration et de concertation autour du projet de stratégie régionale climat durant un an et demi.

L’expertise technique mobilisée par projet GCCA+AO a d’abord permis de mener des études d’identification, d’opportunité et de faisabilité pour préparer l’élaboration du document de stratégie. Le diagnostic initial a porté sur un périmètre large : analyse des vulnérabilités de la région, et des projections d’émissions des GES, degré d’intégration du climat dans les politiques régionales de la CEDEAO (énergie, agriculture, transport, santé, commerce, eau, ressources naturelles etc.) ainsi qu’une analyse des contributions déterminées au niveau national (CDN) des quinze Etats membres de la CEDEAO. 

Expertise France a en outre mené une analyse détaillée du mandat de la CEDEAO et de ses interactions avec les Etats membres pour en acquérir une compréhension fine et faire ensuite des propositions sur mesure : c’est ce que nous avons particulièrement apprécié dans cette collaboration, cette adaptation à notre mandat et nos enjeux et réalités institutionnelles propres en tant qu’institution d’intégration régionale.

Sur cette base, l’équipe du projet GCCA+ AO a donc co-construit avec nos équipes techniques de la Commission des propositions de mécanismes de gouvernance, d’outils et d’actions permettant de révéler le potentiel multisectoriel de l’action climatique de la CEDEAO, en respectant ses principes fondateurs tels que la subsidiarité, la solidarité, la coopération et en capitalisant sur l’existant et le riche historique de la CEDEAO en matière d’action climat.

 

Comment voyez-vous les actions à venir de la CEDEAO en matière de lutte contre les changements climatiques et surtout dans la mise en œuvre de l’Accord de Paris sur le climat ?

Aujourd’hui l’action régionale de la CEDEAO est traditionnellement sectorielle : nous avons des politiques régionales sur l’agriculture, l’énergie, les transports, les ressources en eau, etc, sur lesquelles nous avons un riche historique d’intervention.

En ce qui concerne le climat stricto sensu, nous intervenions plus traditionnellement en soutien aux EM en lien avec la gouvernance internationale dans le cadre de la CCNUCC : appui aux négociations.

Cette SRC va nous permettre de passer à l’étape supérieure et de déployer une action climat opérationnelle, concrète mais surtout transversale qui s’appuie sur notre cadre d’intervention traditionnel : nos politiques sectorielles.

Notre ambition c’est de rendre toutes nos politiques climato-compatibles de manière à insuffler une vraie intégration du climat dans la région, au sein de nos Etats membres qui devront se conformer à ce cadre.

Pour autant nous allons continuer et accélérer encore plus nos actions transversales en lien avec l’Accord de Paris à destination de nos Etats membres, à cet effet nous avons créé l’année dernière un groupe régional d’appui aux négociations internationales sur le climat (le GRANIC) qui est à l’œuvre pour renforcer les capacités des négociateurs de nos EM mais aussi consolider des positions communes qui vont renforcer le leadership de la région au sein des négociations.

Par ailleurs, aujourd’hui nos EM sont tous signataires et pays parti de l’Accord de Paris, mais certains se trouvent démunis pour se conformer réellement dans la pratique aux exigences de l’Accord par manque de capacités et de ressources mais aussi par manque de méthodologies claires et accompagnantes.

C’est aussi l’ambition de cette Stratégie Régionale Climat de pouvoir travailler sur des méthodologies régionales harmonisées et répondre aux besoins de ces pays, permettant à terme un meilleur suivi des engagements de la région.

L’action coordonnée à l’échelle de la région est plus efficace que l’addition de toutes les politiques nationales ou sectorielles. Les enjeux sont tellement élevés et urgents que nous n’avons d'autre choix que d’agir de façon coordonnée et non morcelée.

 

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