Résilience et adaptation : faire face aux catastrophes naturelles de demain

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Tremblement de terre en Haïti, tsunami au Japon, feux de forêts dans les pays méditerranéens, chaleurs extrêmes en Inde ou encore montée des eaux au Bangladesh liée à la fonte des glaciers himalayens : le rythme et l’ampleur des catastrophes ont déjà commencé à se modifier partout dans le monde. Le Rendez-vous de l’Expertise du 22 avril s’est intéressé à l’impact de ces événements extrêmes sur les sociétés et le développement des pays, ainsi qu’aux solutions à mettre en place pour prévenir les risques, se préparer aux crises et y répondre.

Les conséquences du dérèglement climatique sont déjà là, avec une multiplication et une violence croissante des catastrophes naturelles qui pèsent durablement sur les populations, les ressources et les infrastructures des pays. Selon le Centre de recherche sur l'épidémiologie des désastres de l’Université de Louvain, les 396 catastrophes recensées en 2019 ont fait plus de 11 000 morts, affecté 95 millions de personnes et causé 103 milliards de dollars de pertes économiques.
 

Catastrophes naturelles : un fort impact sur le développement

« L’impact d’une catastrophe peut faire reculer un pays de plusieurs années dans son niveau de développement », souligne Ysabeau Rycx, experte en préparation et gestion de catastrophes et directrice de l’association TerHum. Les sécheresses en Afrique de l’Ouest ont  par exemple « un impact énorme sur l’accès à l’eau et aux ressources alimentaires », explique-t-elle. Ces risques naturels sont des facteurs d’instabilité d’autant plus prégnants dans des zones touchées par des difficultés politiques, économiques et sociales.

Edward Turvill confirme la vulnérabilité des populations face à des phénomènes extrêmes fréquents dans les Caraïbes, où il travaille en tant que chargé de la composante « Résilience » du programme RESEMBID. En avril 2021, l’éruption de la Soufrière a forcé 20 000 personnes à évacuer le nord de l’île, zone de production agricole, et Saint-Vincent pourrait perdre 50 % de son PIB. Le commandant Meriem Yahiaoui rappelle quant à elle l’impact déstructurant des catastrophes sur les infrastructures et les services de l’Etat, qu’elle constate régulièrement en tant que chargée de la planification opérationnelle au sein de la protection civile algérienne.

Prévenir, préparer et répondre

Face à ce constat, comment limiter l’impact des catastrophes naturelles ? En Algérie, des initiatives ont été développées à la suite des inondations meurtrières de Bab El Oued, en 2001 : développement d’un système d’alerte précoce, revue de la réglementation sur la construction en zone à risques, formations spécialisées et matériel pour la protection civile… Plus généralement, le cadre d’action de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe, adopté aux Nations unies en 2015, identifie quatre priorités :

• comprendre les risques de catastrophes (collecte de données, évaluation des risques…)

• renforcer la gouvernance des risques pour mieux les gérer (plans nationaux ou régionaux, coordination, réglementation…)

• investir dans la réduction des risques (équipements, infrastructures…) ;

• améliorer la préparation pour une intervention efficace (système d’alerte précoce, sensibilisation, exercices de simulation…).

Des actions à articuler du global au local

La coordination entre pays se trouve être primordiale pour la gestion des risques de catastrophe, afin de partager des données ou des ressources afin de réduire le délai de réponse. Coopérer pour mieux protéger : c’est la logique poursuivie par le programme PPRD Sud III, financé par l’Union européenne. Expertise France travaille en coopération avec les protections civiles françaises, espagnoles et italiennes et celles des huit pays partenaires afin de mieux prévenir, préparer et répondre aux catastrophes en Méditerranée.
 


Directeur d’Emeraude Sécurité Globale et actuellement mobilisé comme expert sur un projet d'appui à la protection civile jordanienne, financé par l’AFD, Eric Bruder mentionne l’importance de l’approche par bassin de risques, par exemple pour la gestion des risques d’inondations au Proche-Orient : « Il faut pouvoir anticiper en développant des moyens météo communs, qui vont permettre d’alerter les autorités jordaniennes en cas de pluies torrentielles sur la Syrie et permettre une réponse jordanienne efficace. » Cette approche est au cœur du projet de l’Union européenne HIP FEWS, qu’Expertise France met en œuvre et qui accompagne le développement du système régional d’alerte précoce aux inondations entre la Jordanie, la Palestine et Israël.

De l’autre côté du spectre, le rôle des acteurs locaux est souligné par Meriem Yahiaoui, qui considère que « l’un des freins les plus importants est la difficulté de transposer en plans d’action local les stratégies nationales qu’on trouve sur papier ». Cela nécessite d’informer les collectivités locales et les acteurs locaux de gestion des risques du contenu de ces stratégies. Il faut également les former pour qu’ils soient en mesure de les décliner à leur niveau et d’assurer leur mise en œuvre. Dans cette logique, en Tunisie, l’Union européenne et Expertise France appuient le déploiement d’un système opérationnel de réduction des risques de catastrophe dans les municipalités de Bou Salem et de Tataouine à travers le projet DIP ECHO.

Les populations au cœur de la préparation et de la réponse

Ne pas oublier les populations est elle aussi essentiel. « La première personne sur place au moment de l’impact, c’est le citoyen », relève Ysabeau Rycx. La communication est donc centrale, à la fois pour informer et former en amont, mais aussi pour limiter les risques de désinformation lorsque l’aléa survient. « La clé de réussite, c’est la population », selon Meriem Yahiaoui. Elle insiste sur le besoin de campagnes de sensibilisation adaptées à l’environnement et à la culture de chaque pays, pour que les citoyens s’approprient la notion de risque.

Gaël Musquet, fondateur de TechReef, souligne que cela passe beaucoup par les outils numériques, auxquels les populations sont massivement connectées. « Travailler en amont avec ces outils pour préparer les populations à jouer leur propre rôle en cas de catastrophe majeure » est important, explique-t-il. C’est par exemple l’objectif de Caribe Wave, un exercice d’alerte au tsunami à l’échelle du bassin caribéen organisé tous les ans par les Nations unies.

Un choix politique

Toutefois, ces activités et ces outils nécessitent des moyens, que les pays ne sont pas toujours en mesure de mobiliser face aux autres priorités comme l’emploi, la santé, l’éducation... « Ce n’est pas toujours un choix facile que d’investir dans le domaine de la réduction des risques », explique Edward Turvill. Meriem Yahiaoui comme Eric Bruder insistent donc sur l’importance d’informer et de sensibiliser les responsables politiques et les élus, qui votent les lois et les budgets.

« Au lieu de financements dédiés, l’une des solutions peut être d’avoir des approches sectorielles, donc des financements intégrés dans les principaux secteurs de la vie économique et sociale », propose Edward Turvill. « Il faut aussi faire des choix parmi les aléas (…) on parle de ‘risque acceptable’ », ajoute-t-il, mentionnant les mécanismes d’assurance qui peuvent être des outils de transfert des risques.

Lier réduction des risques et adaptation au changement climatique

Des institutions nationales aux services de protection civile et aux collectivités locales en passant par les chercheurs, les acteurs économiques et la société civile : « La  seule possibilité pour faire de la gestion des catastrophes, c’est une approche collaborative, intégrée, inclusive et avec une vision à long-terme », conclut Ysabeau Rycx.

La réduction des risques ne peut pas non plus être pensée sans l’adaptation aux changements climatiques, facteur clé de résilience pour les pays. C’est l’objectif du programme RESEMBID, dans le cadre duquel l’Union européenne et Expertise France travaille avec douze pays et territoires d’outre-mer des Caraïbes. Le but : maximiser les synergies entre protection et gestion durable de la biodiversité marine, développement de l’efficacité énergétique et renforcement de la résilience face aux phénomènes extrêmes récurrents.

C’est aussi l’approche retenue en Nouvelle-Aquitaine, région menacée par des risques littoraux comme l’érosion : les membres du GIP Littoral* et ses partenaires – notamment issus du monde de la recherche – se mobilisent depuis 2006 pour préparer l’avenir du littoral et le préserver face au changement climatique, explique Renaud Lagrave, président du GIP et vice-président chargé des Infrastructures, des Transports et de la Mobilité de la région Nouvelle-Aquitaine.
 

 

Vulnérabilité particulière de certains territoires lien entre climat, catastrophes naturelles et développement mais aussi importance de la sensibilisation, de la coopération et de l’échange de savoir-faire : c’est ce que retient Jérémie Pellet, directeur général d’Expertise France, qui rappelle que l’adaptation et la résilience seront au cœur de la COP26 à Glasgow en novembre 2021.
 

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* Le groupement d’intérêt public (GIP) littoral aquitain réunit les services de l'État et le conseil régional de Nouvelle-Aquitaine, les conseils départementaux de la Charente-Maritime, de la Gironde, des Landes et des Pyrénées-Atlantiques, ainsi que la totalité des communautés d'agglomération et des communautés de communes du littoral de ces quatre départements.

 

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