« En Afrique, la jeune génération va faire des choses que nous n’avons jamais vues »

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Afrique subsaharienne
Économiste et homme politique franco-béninois, Lionel Zinsou a travaillé pour de grandes entreprises privées : le groupe Danone, la banque d’affaires Rothschild, le fonds d’investissement PAI Partners…Il s’est également engagé dans le secteur public à plusieurs reprises, que ce soit au sein du Programme des Nations unies pour le développement ou comme Premier ministre du Bénin de juin 2015 à avril 2016. Le 2 décembre 2016, il était l’invité des « Rendez-vous de l’Expertise » d’Expertise France. L’occasion pour lui d’exposer sa vision, transversale, du développement africain.

Réformer, lentement mais sûrement

Lionel Zinsou en est convaincu : les réformes de gouvernance, dans le secteur public comme dans le secteur privé, sont fondamentales pour l’avenir de l’Afrique. « Leurs effets sont souvent invisibles à court terme, mais elles permettent aux pays de mieux résister face aux crises conjoncturelles », explique-t-il.

Des progrès ont notamment été enregistrés dans le secteur financier. « La réglementation bouge, poursuit l’économiste. Le microcrédit a fait des progrès considérables, le crowdfunding est un instrument prometteur, la bancarisation progresse aussi ». Il en va de même dans le secteur juridique, qui a connu d’importantes évolutions depuis la création de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires, en 1993 : « Le fonctionnement des jeunes cours d’arbitrage est encore imparfait, mais la sécurité juridique a fait des progrès incroyables ».

Le développement par l’innovation

Pour l’ancien Premier ministre, les pouvoirs publics ne sauraient pour autant porter seuls le développement de leur pays. « Les États africains ne peuvent pas assumer leurs fonctions régaliennes comme le fait la France, par exemple, dont les prélèvements obligatoires représentent 45 % du PIB », souligne-t-il. Dans la plupart des pays d’Afrique, les prélèvements obligatoires, source de financement des politiques publiques, représentent moins de 20 % du PIB : le chiffre est de 16 % au Bénin.

Une fatalité ? Un appel au changement, plutôt. Pour Lionel Zinsou, les États africains doivent aujourd’hui donner la priorité au développement des outils et des supports de l’innovation. Grâce à leurs faibles coûts marginaux, les technologies numériques offrent par exemple une opportunité sans précédent pour élargir l’accès aux services publics. « Si l’on veut soigner les gens ou leur donner une formation adaptée au marché du travail, le chemin le plus court est d’accélérer les programmes de fibre optique et d’équipements internet. Il faut rompre avec l’idée que nous allons régler un problème d’éducation avec une politique d’éducation, nous n’en avons pas les moyens », résume l’économiste.

L’enthousiasme de la nouvelle génération

La société civile a un rôle important à jouer dans cette dynamique. « Il suffit d’avoir été Premier ministre dix mois pour douter du pouvoir de l’État par rapport à celui de la société civile », confie Lionel Zinsou. Coalitions de citoyens, collectivités, associations ou entreprises… Ces acteurs ont désormais les clés du développement africain entre leurs mains.

L’économiste croit en particulier dans le potentiel de la nouvelle génération. « Tout ce que nous nous représentions comme des fatalités, les enfants du millénaire le voient comme des opportunités. Ils ont chaque fois une réponse, une application, une expérience…En Afrique, cette génération va faire des choses que nous n’avons jamais vues », conclut-il.

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