La lutte contre le blanchiment d’argent, levier pour enquêter sur la traite d’êtres humains (1/4)

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Grave violation des droits humains, la traite d’êtres humains est aussi une activité criminelle génératrice de revenus. Même si elle est par nature difficile à quantifier, elle représenterait près de 32 milliards de dollars de profit par an selon l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC). L’argent acquis par voie illégale est ensuite blanchi en étant réinjecté dans les circuits économiques classiques. Dès lors, face aux difficultés pour enquêter sur la traite, une piste suscite un intérêt croissant : se concentrer sur les flux financiers pour mieux connaître les réseaux et les démanteler.

Une approche encore méconnue

Dans de nombreux pays, les enquêtes financières ne sont aujourd’hui pas une priorité des organes en charge des enquêtes, souvent peu sensibilisés à cet aspect de la lutte contre la traite. Autrement dit, des enquêtes sont menées sur les cas de traite et aboutissent parfois à des condamnations, mais sans que soit fait le lien avec les aspects financiers de cette activité criminelle.

Cependant, cette approche est confrontée à certaines difficultés, et en premier lieu celle de preuves qui reposent sur le témoignage des victimes. Celles-ci, déjà affaiblies et éprouvées, ne souhaitent pas toujours le faire, ce qui complique les poursuites. Comment contourner cette difficulté et alléger la mobilisation des victimes dans le cadre des enquêtes ?

Cibler le nerf de la guerre

L’approche financière offre une solution : poursuivre le délit de blanchiment, ce qui est rendu possible par le fait que la traite est un crime et que les revenus qu’elles génèrent sont donc acquis par des voies illégales.

Bien que méconnue, cette approche dispose d’un fort potentiel puisqu’il s’agit de priver les criminels des profits qu’ils tirent d’une activité illégale comme la traite des êtres humains : s’attaquer aux revenus qui en sont issus permet de d’affaiblir les réseaux en activité.

Les enquêtes financières sont tout d’abord une source riche d’information pour mieux connaître les réseaux de traite – comment ils se financent, quel parcours suit l’argent… –, ce qui contribue à définir des mesures plus pertinentes pour les démanteler progressivement. Ensuite, en analysant les transactions illicites signalées par les banques et autres institutions financières, les cellules de renseignement financier (CRF) contribuent concrètement au travail d’investigation : en fournissant des éléments qui pourront ensuite être transformés en preuve devant un tribunal, elles aident les autorités chargées de l’enquête sur les cas de traite tout en favorisant l’identification des avoirs criminels, qui, sans enquête financière, sont difficiles à localiser. Il est d’ailleurs envisageable d’utiliser les sommes ainsi recouvrées pour indemniser les victimes de traite.
 

Qu'est-ce qu'une cellule de renseignement financier ?

Structures publiques, les cellules de renseignement financier (CRF) reçoivent, analysent et transmettent aux autorités policières les déclarations de soupçons identifiés et signalés par le secteur privé. De nombreuses CRF font partie du groupe Egmont, une structure de coopération informelle créée en 1995 pour favoriser l'échange d'informations financières entre pays. 

 

Une efficacité soumise à conditions

Certains critères doivent cependant être remplis pour que l’approche financière porte ses fruits : les autorités en charge de l’enquête doivent être en mesure de collecter de l’information, en étroite collaboration avec les ONG et les médias, mais aussi avoir les ressources et compétences nécessaires pour les analyser et, enfin, pouvoir se reposer sur une bonne coopération interinstitutionnelle aux niveaux national, régional et international. Trois éléments indispensables soulignés par l’ensemble des participants à l’atelier multi-pays organisé du 10 au 12 décembre à Tunis sur blanchiment de capitaux, financement du terrorisme et traite des êtres humains.
 

Retrouvez le fil Twitter de l’atelier 
 

Lire les autres articles du dossier

Introduction - Lutte contre la traite des êtres humains : la piste financière

• Les acteurs publics au défi de l’efficacité (2/4)

• Par-delà les frontières, l’indispensable coopération financière (3/4)

• Travailler ensemble : mieux comprendre la traite grâce à la coopération public-privé (4/4)

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