Parole d’expert : Sébastien Billon, coordinateur du programme « Relèvement et stabilisation en RCA »

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République centrafricaine
La phase de diagnostic du projet pilote « Relèvement et stabilisation en RCA » a pris fin en décembre 2016. Sébastien Billon, coordinateur du programme, revient sur ce projet commencé il y a un peu plus d’un an, qui vient d’entamer la phase de mise en œuvre des activités.

Mis en œuvre par Expertise France et financé par le Fonds Bêkou – le fonds fiduciaire de l’Union européenne pour la République centrafricaine –, ce projet comporte trois dimensions : redéployer les services déconcentrés de l’Etat, en renforçant leurs capacités et réhabilitant leurs infrastructures de travail ; renforcer la cohésion sociale, par un soutien aux acteurs du droit, des médias et de la société civile ; et favoriser le relèvement économique en province, par un soutien à des micro-projets.

Image Sébastien BILLON - RCA

Quelle est la genèse de ce projet pilote ?

Entre 2012 et 2013, la République centrafricaine (RCA) a connu une crise politico-militaire sans précédent, causant la mort de milliers de personnes et de nombreux déplacements de population. À ce jour, ce pays de 4,6 millions d’habitants secoué par diverses crises politico-militaires depuis son indépendance en 1960 prend le chemin de la stabilisation.

Face aux fortes tensions communautaires et à la remise en cause de la cohésion nationale, le Forum de Bangui, organisé en mai 2015, a été la première étape d'un processus de réconciliation. Par la suite, la tenue des élections démocratiques en début 2016 a été un élément clef dans le processus de stabilisation de la RCA et le retour à l'ordre constitutionnel.

Pour appuyer la RCA, le Fonds Bêkou a mis en place un programme de promotion de la cohésion sociale, du dialogue et de la réconciliation dans la société centrafricaine. C’est dans le cadre de ce programme, afin d’accompagner la RCA et notamment le gouvernement nouvellement mis en place, qu’Expertise France a proposé et obtenu de mener un projet pilote de redéploiement des services déconcentrés, de renforcement de la cohésion sociale et de relèvement précoce en Centrafrique d’un budget de 3,7 M€.

Comment ce projet peut-il contribuer concrètement au relèvement de la Centrafrique ?

L'objectif général de ce projet de 30 mois est de favoriser la stabilisation et le relèvement précoce de la société centrafricaine en renforçant les capacités locales et le dialogue sur deux régions, dans une approche transversale et participative.

 

« Nous pensons que cette transversalité pourra accroître
la capacité de résilience de la Centrafrique »

 

Transversale tout d’abord, car Expertise France fait le pari d’une approche qui vise à renforcer de manière complémentaire les différentes politiques publiques nécessaires à l’Etat et aux populations centrafricaines. Nous pensons que cette transversalité pourra accroître la capacité de résilience de la Centrafrique.

 

« Ce projet est le premier projet européen qui vise à contribuer
au redéploiement des services publics
et à renforcer la cohésion sociale en province »

 

Il ne s’agit pas là d’un projet à but humanitaire : ce projet inclusif et multisectoriel vise à couvrir principalement les questions de gouvernance à travers une approche territoriale, ciblée sur deux régions. C’est un développement logique de l’appui international à la RCA, car jusqu’à présent, la majorité des programmes de coopération ont été mis en œuvre autour de la capitale, Bangui. Ce projet est le premier projet européen, initié depuis le début de la crise, qui vise à contribuer au redéploiement des services publics et à renforcer la cohésion sociale en province. Le projet soutiendra donc les efforts mis en œuvre par l’Etat centrafricain pour le redéploiement de son administration sur le territoire national.

Ce projet a également une forte dimension participative, car il appuiera les mécanismes de médiation et l’accès des populations au droit, afin de renforcer la gouvernance locale et les échanges en vue de contribuer à rétablir la confiance des communautés. Il impliquera en outre les structures participatives au niveau communautaire afin de renforcer le rôle de la société civile dans la réconciliation des communautés. Enfin, il les aidera à renforcer leurs capacités à travers la fourniture de services de base et la relance de l’activité économique en soutenant des micro-projets de développement local.

Pour ce projet, Expertise France a fait le choix de travailler en partenariat avec CFI, l’agence française de coopération média, pour la partie média, et l’ONG Avocats sans frontières Belgique, pour la partie justice de ce projet.

La mise en œuvre du projet se fait en trois phases distinctes ; la première phase, dite de diagnostic, visait à faire un état des lieux pour définir des actions adaptées par la suite. C’est cette phase qui a pris fin en décembre 2016.

Quelles sont les conclusions que vous tirez de cette phase essentielle de diagnostic ?

Cette première phase avait pour objectif de faire un état des lieux des enjeux et d’établir une cartographie des acteurs présents dans les régions ciblées et visitées. Il s’agissait notamment d’identifier les partenaires locaux pour la mise en œuvre des activités du projet par la suite – acteurs publics, société civile locale et internationale, institutions internationales, mais aussi autres acteurs formels et/ou non conventionnels (les autorités traditionnelles, par exemple).  

 

« Dix-sept missions de terrain ont été conduites 
par les équipes d’Expertise France et de ses partenaires techniques »

 

Le diagnostic a donc été mené de mi-juillet à mi-novembre 2016 dans quatre localités – Berberati, Bangassou, Bambari et Bria. Dix-sept missions de terrain ont été conduites par les équipes d’Expertise France et de ses partenaires techniques avec des séjours allant de sept à dix-huit jours par localité. Plus de quatre cent quatre-vingt personnes ont été contactées, soit individuellement, soit en groupes de discussion.

Dans les quatre localités, le diagnostic a mis en lumière des besoins importants en termes de renforcement de la gouvernance locale, d’appui aux mécanismes de renforcement de la cohésion sociale, de délivrance des services sociaux de base et de relance des activités socio-économiques.

Quelles sont les prochaines étapes du projet désormais ?

Suite au diagnostic, deux régions sur les quatre ont été retenues comme zones de mise en œuvre du projet pilote : la région n°2 (sud-ouest de la RCA) et n°5 (est de la RCA), dont les chefs-lieux sont, respectivement, Berberati et Bria. Pour les sélectionner, trois critères objectifs et opérationnels ont été retenus : nécessité du projet au regard des différents enjeux identifiés, synergies possibles avec des actions en cours ou à venir, et, enfin, faisabilité.

Dans les deux régions retenues, des bureaux d’Expertise France ont été ouverts en février 2017 en coopération avec notre partenaire Avocats sans frontières (Belgique), qui maintient également une présence permanente dans ces deux villes.

La phase 2 du projet, dite de stabilisation, est désormais en cours, avec pour objectif de redéployer les autorités locales et de renforcer les cadres de concertation locaux. Dès le mois de mars, les premières activités ont démarré, avec notamment la création de comités de pilotage locaux, des formations à l’intention des directeurs et des rédacteurs-en-chef de six stations radio, la mise en place d'un cadre de coordination des acteurs impliqués dans le secteur de la justice en général, et de la résolution de conflit, en particulier.

La phase 3, qui débutera ultérieurement, visera quant à elle à restaurer les services locaux de base et à favoriser la relance économique locale.

 

Retrouvez plus d’informations dans le résumé du rapport global de diagnostic.

 

 

Crédit photo: MINUSCA.

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