[INTERVIEW] - Comores : Renforcer les compétences des professionnels de santé

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Comores

La santé constitue l’un des axes d’intervention prioritaires du Plan de développement France-Comores (PDFC) signé entre la France et les Comores le 22 juillet 2019. Mis en œuvre par Expertise France en partenariat avec le Ministère de la Santé de l’Union des Comores, le projet de renforcement de la coopération régionale en santé en Union des Comores « CoReg » vise à renforcer la coopération régionale en santé entre les professionnels de santé comoriens et ceux des îles de Mayotte et de La Réunion. Dans le cadre de ce projet, Expertise France et le ministère de la Santé comorien mettent en place pour la première fois un dispositif de bourses d’études pour former dix médecins spécialistes comoriens en partenariat avec la faculté de médecine Cheikh Anta Diop de Dakar notamment.

Dans cette interview, le Dr Affane Bacar, Responsable de l’unité de coordination ministérielle du projet « CoReg » au ministère de la Santé de l’Union des Comores, nous explique les objectifs de ce dispositif de bourses d’études et plus largement du projet.

 

 

 

 

Pouvez-vous nous présenter le nouveau dispositif de bourses d’études CoReg lancé par le ministère de la Santé des Comores et Expertise France ?

Sur demande de Madame la Ministre de la santé, de la Solidarité, de la Protection Sociale et de la Promotion du Genre, un financement additionnel à hauteur d’un million d’euros a été octroyé par AFD le 15 novembre 2022 au bénéfice de cinq hôpitaux du projet « Offre de soins » afin de renforcer la spécialisation des professionnels de santé comoriens. Cette enveloppe permet de prendre en charge 10 étudiants boursiers pour des formations DESS (diplôme d’études supérieures spécialisées). Ces dix médecins généralistes bénéficieront ainsi d’une formation diplômante spécialisante de quatre ans qui leur permettront de revenir exercer aux Comores en tant que médecin spécialiste.

Quel est l’objectif du ministère de la Santé avec ce dispositif de bourses d’études ?

Les ressources humaines constituent un des piliers du système de santé. Sans un personnel formé et suffisant en nombre, c’est toute la chaîne de prestations de soins qui est remise en question, jusqu’aux services les plus basiques et vitaux des systèmes de santé, avec un impact immense sur la mortalité materno-infantile. Aussi, l’augmentation des maladies chroniques ces dernières années se traduit par une hausse de la demande de soins et donc un besoin accru en professionnels qualifiés. L’objectif du Ministère de la santé avec ce dispositif de bourses d’études est de répondre au besoin d'améliorer la qualité et développer l'offre de soins sanitaire aux Comores. Le dispositif de bourses cible ainsi plusieurs spécialités cliniques où le renforcement de l’offre de soins est prioritaire comme la chirurgie générale, la gynécologie, l’anesthésie-réanimation, l’imagerie médicale, la néphrologie et la traumatologie.

Quel accompagnement est prévu pour les futurs bénéficiaires ?

Les futures bénéficiaires de bourses seront accompagnés dans :

(i) certaines démarche administratif (arrêté de mise en stage, les autorisations de voyage),

(ii) la réintégration du bénéficiaire dans ses fonctions  à l’issue de la formation,

(iii) la régularisation du dossier d’avancement auprès du ministère de la fonction publique en rapport avec le nouveau statut du boursier à son retour.

Le dispositif visera également à proposer un système de mentoring entre le jeune médecin boursier et un médecin expérimenté comorien sur la spécialité suivie. Notre objectif est également de les accompagner dans la réussite de leurs diplômes dans les meilleures conditions. Les bénéficiaires auront ainsi notamment une bourse mensuelle pour leurs frais de vie, un billet aller-retour par an pour revenir aux Comores, la prise en charge intégrale des frais d’inscriptions pédagogiques et administratifs. En contrepartie, les 10 médecins s’engagent à exercer pendant 10 ans pour le Ministère de la Santé, un vrai dispositif gagnant-gagnant pour le médecin et pour toute la population comorienne.

Au-delà de ce dispositif de bourses, quelles sont les autres activités mises en œuvre dans le cadre du projet CoReg de renforcement de la coopération régionale en santé ?

L’objectif principal du projet CoReg est d’améliorer l’offre de soins et la prise en charge des patients aux Comores à travers le renforcement de la coopération régionale en santé.

Cette coopération permet de renforcer les compétences des professionnels de santé comoriens grâce à des formations basées sur des échanges entre les établissements. Des personnels de santé des Comores sont envoyés à Mayotte ou à La Réunion pour recevoir ces formations. L’idée est d’encourager autant que possible le transfert d’informations et de connaissances entre les différents acteurs de santé.

En plus, améliorer l’offre de soins, c’est aussi faire en sorte que la population soit informée que cette offre existe. Nous faisons en sorte que nos compatriotes sachent qu’ils peuvent trouver des soins de qualité aux Comores, sans devoir prendre le risque d’aller à Mayotte par exemple, au péril de leur vie. Si nécessaire, les autorités sanitaires comoriennes coopèrent parfaitement avec l’ambassade de France aux Comores pour assurer des évacuations vers des établissements de santé partenaires.

À l’issue de ce projet, le Ministère de la santé veut développer un plan stratégique de coopération régionale qui guidera les financements, les partenaires et les bailleurs pour soutenir les Comores dans le secteur de la santé. Ce plan sera essentiel pour fournir un soutien et une direction, afin de fournir des soins de qualité à tous.

Pouvez-vous nous donner quelques exemples d’actions de coopération mises en œuvre dans le cadre du projet ?

Malgré les difficultés inhérentes à la pandémie de Covid-19 qui ont fortement perturbé nos efforts et retardé la mobilisation des experts et des professionnels de santé, nous avons lancé des missions exploratoires pour évaluer les besoins réels sur le terrain et développer un plan d’action concret. Grâce à cela, nous avons pu identifier des filières spécifiques telles que la filière prévention et contrôle des infections (PCI) en milieu hospitalier, la filière sur la prise en charge du diabète, la maintenance biomédicale, les grands brûlés, la santé mentale et addictologie, la santé maternelle, néonatale et infantile, la traumatologie et la promotion de la santé.

Parmi les actions prioritaires que le Ministère de la santé met actuellement en place entre les Comores et les îles de La Réunion et Mayotte, je peux citer également le renforcement de la filière réanimation, et de la prise en charge de la drépanocytose, une maladie qui affecte les Comores et principalement l’île de Mohéli.

Récemment, sur la filière pédiatrie, le ministère, avec l’appui du Centre hospitalier de Mayotte, a pris des mesures très importantes pour réduire les risques d’asphyxie chez les nouveau-nés en organisant une formation pour les sages-femmes sur la prise en charge des nouveau-nés dès leur arrivée en salle de naissance.

Le ministère a également noué un partenariat avec l’ONG Santé Diabète afin d’organiser des séances de formations sur la gestion du diabète de type 1 chez les enfants et les adolescents.

Le ministère de la santé est  actuellement en train de planifier des actions supplémentaires, notamment en matière de santé mentale pouvoir élaborer une stratégie nationale améliorant la prise en charge. Sur cette question de la santé mentale, nous avons pu identifier des agents appelés « points focaux santé mentale » pour constituer un réseau opérationnel. L’importance de ce réseau est de soutenir les structures sanitaires pour s’assurer que les gens souffrant de problèmes de santé mentale soient pris en charge de manière plus efficiente. Il n’y a pas encore eu de recensement des malades qui pourraient être soignés en ambulatoire. Pour cela, nous devons renforcer les capacités du personnel médical afin que ces personnes soient traitées adéquatement.

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