Yucatan (Mexique) : Signature d’un accord de collaboration pour lutter contre les cyberviolences de genre

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Amériques
Le 24 mai dernier, plusieurs autorités de l’État du Yucatan ont signé un accord de collaboration historique pour mieux coordonner la réponse face au fléau des violences de genre en ligne. Focus sur cette signature, soutenue par le programme EUROsociAL+.

Au Mexique comme dans le reste du monde, les violences basées sur le genre sont un fléau. Ces violences peuvent, entre autres, avoir lieu en ligne, et nécessitent alors des réponses spécifiques.

Le 24 mai dernier, sous la houlette de l’État du Yucatan, les Secrétariats des femmes et de la sécurité publique du Yucatan, le Bureau du procureur général, l’Institut national d'accès à l'information publique, la Commission exécutive de l'État à l'attention des victimes et l’Union européenne, à travers la composante des politiques d’égalité de genre du programme EUROsociAL+, mise en œuvre par Expertise France, ont signé un accord de collaboration pour mieux coordonner la réponse face aux cyberviolences de genre.

Retour sur cet évènement marquant et sur les mesures mises en place pour lutter contre ces violences en Amérique latine et en Europe.  

Un accord de collaboration face au fléau des cyberviolences

Les violences en ligne touchent les femmes et les filles de manière disproportionnée. De fait, les mêmes discriminations de genre qui se matérialisent hors ligne se multiplient et s'amplifient en ligne et ont des conséquences néfastes sur la vie des victimes.

Ces violences sont multiformes et se manifestent par des commentaires sexistes, du cyberharcèlement ou encore par le partage non consensuel de contenus sexuels. Mais également par des comportements visant à décrédibiliser et à réduire au silence les femmes et les filles, en particulier celles qui s’exposent sur Internet pour défendre les droits humains. Ces comportements illicites portent atteinte à leur liberté d'expression, à leur droit à la vie privée et à la protection de leurs données personnelles.

Face à ce constat, l’État du Yucatan avec les Secrétariats des femmes et de la sécurité publique du Yucatan, le Bureau du procureur général, l’Institut national d'accès à l'information publique, la Commission exécutive de l'État à l'attention des victimes et le programme EUROsociAL+ ont signé un accord de collaboration pour améliorer la prise en charge des victimes et faciliter l'échange de statistiques et de données pour un meilleur suivi des cyberviolences de genre.

À cette occasion, le réseau mexicain contre les violences de genre en ligne a également été lancé et il   vise à mieux articuler le lien entre les institutions, le monde universitaire et les groupes de la société civile.

Devant un public composé par les institutions de police, justice, des professionnels du digital et des associations, l’évènement s’est ouvert avec un atelier sur les violences en ligne mené par les expertes d’EUROsociAL+.

La première partie, focalisée sur les pays d’Amérique latine, a été animée par Jessica Matus et Ana Karen Cortès et a été l’occasion de souligner l’ampleur du phénomène dans les pays latino-américains et de faire un état des lieux des études en la matière. En Amérique latine, comme en Europe, le simple fait que les femmes et les filles soient en ligne les expose aux violences sexuelles et sexistes. Au Mexique, par exemple, cela est démontré par les chiffres de l’Institut national mexicain de la statistique et de la géographie qui révèlent que 36,4% de femmes entre 20 et 29 ans sont victimes de cyberviolences, contre 27,2% pour les hommes[1]. Selon l’analyse de deux expertes, il existe un besoin urgent de cadres réglementaires pour traiter de manière adéquate ce phénomène. En effet, les pays d’Amérique latine qui disposent de lois complètes pour lutter contre les cyberviolences de genre sont rares. De plus, après avoir examiné des affaires juridiques emblématiques dans plusieurs pays latino-américains, elles ont conclu qu’il est prioritaire de s'orienter vers des réglementations qui ne se limitent pas à la sphère punitive, mais qui prennent également en compte les aspects préventifs et réparateurs.

 

La seconde partie, animée par Carlotta Gradin, experte, s’est concentrée sur l’Union européenne, et en particulier sur les réponses juridiques des États membres et des institutions européennes. En effet, les pays de l’Union européenne ne sont pas épargnés par ce fléau. Selon une étude du Parlement européen publiée en 2021, de 4 à 7 % des femmes ont été victimes de cyberharcèlement au cours des 12 derniers mois. En France, elles seraient 15 %[2]. Selon l’experte, si certains États ont adopté des mesures spécifiques et vont vers la bonne direction, d’autres n’offrent pas aux victimes un système de prévention et de sanction à la hauteur. Pour elle, il est nécessaire d’harmoniser l’encadrement juridique des cyberviolences pour assurer une réponse adéquate et une sanction dissuasive. De plus, elle a souhaité évoquer les nouveaux défis auxquels nous faisons face. Par exemple, les « deep fakes », des logiciels alimentés par l’intelligence artificielle qui permettent de modifier des photos intimes des femmes pour les humilier et dénigrer. Mais également, les dérives du « Metavers », un monde virtuel où nous avons déjà enregistré les premiers témoignages des violences sexuelles et sexistes.

 

En outre, les trois expertes ont également souligné le manque craint de statistiques officielles qui rendent compte de l'ampleur réelle du phénomène. Pour elles, il est impératif que les tribunaux et les organes d’enquête fournissent des données désagrégées par genre. Ainsi, les lois des États latino-américains mais également de l’Union européenne devraient rendre obligatoire la récolte de données et les autorités nationales devraient garantir les ressources nécessaires aux organismes statistiques publics pour générer des chiffres officiels, comme c'est actuellement le cas au Mexique à travers l’Institut national des statistiques ou en Uruguay grâce à l'Observatoire de la violence fondée sur le genre à l’encontre des femmes.

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La signature de l’accord de collaboration : un signal fort contre les violences de genre en ligne au Yucatan

Les autorités présentes ont souligné l’importance historique de cet accord. Selon Mauricio Vila Dosal, Gouverneur de l'État du Yucatan, « cet accord permettra […] de disposer des institutions solides nécessaires […] et aspirer à avoir un Yucatan équitable et exempt de toute forme de violence à l'égard des femmes ». Ainsi, pour Radhia Oudjani, directrice du département gouvernance, justice et droits humains d’Expertise France, la signature de cet accord représente « un symbole fort et un moyen d’avancer pour prévenir et éradiquer la violence de genre en ligne ». Mais surtout un moyen pour mieux prendre en charge les victimes et assurer la récolte et le partage des données pour pouvoir mesurer le phénomène, mieux le comprendre et le combattre.

Enfin, l’ambassadeur européen Gautier Mignot a également affirmé le soutien de l'Union européenne au Mexique en tant qu’alliée déterminée à combattre ce phénomène, tout en ajoutant sa volonté d’apprendre et de connaître ce qui se fait dans l’État du Yucatan et dans l’ensemble du pays en la matière afin de mettre en place des politiques publiques adaptées.

       

EUROsociAL+, engagé dans la lutte contre les violences basées sur le genre au Mexique

Depuis plusieurs années, la composante des politiques d’égalité de genre d’EUROsociAL+ mise en œuvre par Expertise France, accompagne les institutions mexicaines pour prévenir et réduire les violences de genre.

Parmi ses actions, les expertes Jessica Matus et Ana Karen Cortés, ont accompagné le gouvernement de l'État du Yucatan, le Secrétariat des femmes du Yucatan, ainsi que l’Institut national d'accès à l'information pour mettre en œuvre des actions concrètes et efficaces pour mieux lutter contre les cyberviolences, en témoigne la signature de l’accord de collaboration et une étude approfondie sur l’état de la législation sur les violences de genre en ligne en Amérique latine.

De plus, les expertes Françoise Roth et Bénédicte Lucas ont également accompagné le Secrétariat des femmes du Yucatan pour améliorer leur mécanisme de réponse face aux alertes des violences de genre déclenchées par l’administration fédérale du Mexique.

Enfin, d’autres actions peuvent également être mentionnées, en particulier l'évaluation de la norme mexicaine d'égalité, l’appui technique pour l’amélioration du mécanisme d’alerte des violences faites aux femmes ou le renforcement de la ligne d’écoute anonyme 089 à travers des formations sur les violences sexuelles et sexistes aux répondants/es. 

En novembre 2021, la composante des politiques d’égalité de genre d’EUROsociAL+, avait déjà souligné, à travers l’organisation d’un webinaire, l’importance de promouvoir des politiques publiques qui permettent d’éradiquer toutes les formes de violence faites aux femmes, y compris virtuelles.

Cette nouvelle étape confirme le souhait de continuer à coopérer avec les autorités mexicaines pour améliorer l’échange des bonnes pratiques et construire de politiques publiques répondant aux intérêts stratégiques des femmes, transversales et intersectorielles.

 

[1] Institut national de la statistique et de la géographie, 2019

[2] Niombo Lomba, Cecilia Navarra et Meenakshi Fernandes, Combating gender-based violence: cyberviolence, European added value assessment, Direction générale des services de recherche parlementaire, Parlement européen, mars 2021.

 

#RDVExpertise : Lutte contre les violences de genre

 

 

💡#RDVExpertise - Lutte contre les violences de genre

📆 9 juin

 14h Paris - 12h TU

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La lutte contre les violences sexuelles et de genre, « l’autre pandémie », dénoncée avec constance tous les 25 novembre dans le monde depuis l’institutionnalisation par les Nations Unies d’une journée mondiale dédiée, monte en puissance dans l’agenda institutionnel et féministe tant en Europe que dans les pays du Sud Global.

Que sait-on des chiffres qui mesurent la gravité de la situation et les réponses qui sont apportées par la justice et les institutions ? Quel lien entre les violences de genre et l’atteinte des Objectifs du Développement Durable ?

Comment les échanges et la coopération internationale peuvent accompagner et stimuler de nouvelles avancées ?

Voici les quelques questions que nous nous poserons lors de cet évènement organisé par Expertise France.

👉 cutt.ly/8HRtuoG

 

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