Le Pérou transmet un savoir millénaire pour faire face aux changements climatiques

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Amériques
Pour préserver l’eau, les femmes d’Ayacucho au Pérou utilisent une technique ancestrale de récupération d’eau (« siembra y cosecha de agua ») qu’elles ont transmis à des femmes et des paysans du Costa Rica qui font face à un phénomène de sécheresse sans précédent. Ce projet de coopération sud-sud entre le Pérou et le Costa Rica s’inscrit dans la composante « Forêts, biodiversité et écosystèmes » du programme Euroclima+, financée par l’Union européenne et mise en œuvre conjointement par Expertise France et la GIZ. La mise en œuvre de ce projet est assurée par l’ONG AIDER.

« Nous savons connecter nos émotions pour entrer en contact avec la nature, faire corps avec elle. C’est pourquoi, dans la communauté de Quispillacta (dans la région d’Ayacucho), nous sommes les gardiennes de l’eau et nous contribuons à la préservation, la récupération et l’utilisation durable de cette ressource », assure Magdalena Machaca, l’une des fondatrices de l’association Bartolomé Aripaylla (ABA).

Magdalena et les « femmes d’ABA » ont participé à une rencontre organisée par AIDER (Asociación para la Investigación y Desarrollo Integral) en présence des autorités d’Ayacucho, de leaders communautaires, de Renato Víquez, ambassadeur du Costa Rica au Pérou, de Tatiana García, chargée des questions d’environnement et de changements climatiques au sein de la délégation de l’Union européenne au Pérou et de Gustavo Solano, coordinateur binational du projet « Récolte d’eau », un projet accompagné par le programme EUROCLIMA+.

 

 

Lors de cette rencontre, Magdalena Machaca a expliqué que sa communauté était très touchée depuis plusieurs années par les conséquences du changement climatique. Avec la diminution des pluies, la population aurait pu se retrouver affaiblie à plusieurs niveaux, notamment pour ce qui est de sa sécurité alimentaire. Mais cette technique de récupération/collecte des eaux pluviales a permis aux femmes de construire 121 réservoirs au profit de plus de 260 000 personnes.

D’après la plateforme scientifique Agua–Andes, la pratique de « récolte de l’eau » est issue d’un savoir ancestral qui consiste à emmagasiner l’eau de pluie, faciliter son infiltration et optimiser son utilisation en période de sécheresse. Comme l’ajoute Gustavo Solano, cette technique permet aux populations de s’adapter aux changements climatiques tout en vivant en harmonie avec la nature.

 

 

« Sans les femmes d’ABA, ces réservoirs d’eau n’auraient pas pu être construits. Maintenant, grâce à elles, un système est en place pour conserver l’eau. La méthode de récolte d’eau est une technique locale à faible coût et qui produit des résultats positifs en très peu de temps », a renchéri G. Solano.

Transmission interculturelle entre peuples autochtones

Dans cette démarche solidaire mise en place entre le Pérou et le Costa Rica pour affronter les effets du changement climatique, les femmes de l’association ABA se sont rendues dans la province de Guanacaste, au Costa Rica, pour enseigner aux communautés locales comment construire les réservoirs. Cinq réservoirs ont été construits à ce jour, avec une capacité de 35 000 mètres cubes. 

Cette technique ancestrale a également été transmise dans les montagnes de Piura, l’une des plus grandes villes du Pérou, où la population fait face à des sécheresses et à des inondations dues aux changements climatiques. Cela a permis la construction de deux réservoirs d’une capacité de près de 5 000 mètres cubes.

 

 

L’assistance technique, les matériaux nécessaires ainsi que la construction ont été rendus possibles grâce au financement de l’Union européenne et aux contributions des organismes de mise en œuvre, AIDER au Pérou et FONAFIFO (Fondo Nacional de Financiamiento Forestal) au Costa Rica.

Des actions concrètes pour s'adapter aux effets du changement climatique

Le projet permet aux populations vulnérables du Pérou et du Costa Rica de poursuivre leur adaptation aux effets du changement climatique qui frappent sévèrement tous les pays d’Amérique latine. Le Costa Rica, par exemple, vient de faire face à la pire sécheresse que le pays ait connue en 75 ans. D’après IAgua, l'augmentation des gaz à effet de serre en serait l’une des causes.

Dans le cadre du projet « Récolte d’eau », le Costa Rica transmet également son expérience au Pérou en matière de services écosystémiques. L’objectif est d’attribuer à la protection de l'eau une reconnaissance économique, sociale et environnementale, tout en instaurant une compensation sur les bénéfices générés pour l'utilisation de cette ressource. Ces pratiques bénéficieront à la fois aux communautés et aux pays.

Renato Víquez, ambassadeur du Costa Rica au Pérou, a souligné que selon la vision du Costa Rica il est nécessaire de protéger la nature dans sa totalité, au-delà de ses seules ressources en eau. « Nous avons choisi un mode de développement qui accorde une place centrale à la nature et aux êtres humains », a-t-il ainsi expliqué, en soulignant l’importance d’une réelle prise de conscience des changements climatiques et de la mise en place de mesures pour y faire face : « Ce projet permet de saisir l’importance de protéger les ressources naturelles et offre des mesures concrètes pour sauver la planète. »

Tatiana García, la représentante de l’Union européenne, a qualifié pour sa part cette technique comme une action concrète face aux changements climatiques. « Nous sommes en train de réhabiliter un savoir ancestral qui est probablement parmi les plus anciens du Pérou », a précisé T. García, ajoutant que l'engagement de l’Union européenne sur la question du changement climatique dépassait ses propres frontières. C’est pourquoi l’UE soutient non seulement la coopération, mais aussi le dialogue politique avec les pays et les gouvernements afin d’intensifier les efforts menés sur le front de la lutte contre le changement climatique. 

De la spiritualité locale au développement mondial

Pour les femmes d’ABA, l’eau est un être vivant qu’il est primordial de respecter en faisant preuve de « tendresse et compréhension », soutient Magdalena. La charge spirituelle qui accompagne les savoirs andins est aujourd’hui transmise aux communautés du Costa Rica. La cosmovision (vision du monde) andine permet à travers ses traditions de créer un vaste effort pour protéger l'eau et la nature qui contribue à un développement durable. « L’eau nous unit et crée des liens, c’est pourquoi il faut la protéger », conclut Magdalena.

 

Le projet « Récolte d’eau »

Le projet « Récolte d’eau, redevance pour les services hydriques et reconnaissance du paiement des services environnementaux dans le cadre de la coopération Sud-Sud entre le Pérou et le Costa Rica » s’inscrit dans la composante « Forêts, biodiversité et écosystèmes » du programme Euroclima+, financée par l’Union européenne et gérée conjointement par Expertise France et la GIZ. La mise en œuvre du projet est assurée par l’ONG péruvienne AIDER. De plus amples informations sur le projet sont disponibles ici (en anglais). Le projet a permis la création d’un espace de dialogue entre les institutions, les autorités locales et la population.

Au Costa Rica, les autorités des cantons de Cañas et Bagaces, l’Instituto de Desarrollo Agrario (INDER), le ministère de l’Agriculture et de l’Élevage, le ministère de l'Environnement et de l’Énergie et des organisations communautaires ont coordonné leurs efforts en vue de la construction de cinq réservoirs et de leur mise à l’échelle potentielle.

Au Pérou, AIDER, les autorités du district de Pacaipampa et le Fondo Regional del Agua (FORASAN), à Piura, mènent des actions avec les autorités régionales d’Ayacucho et l’Asociación Bartolomé Aripaylla (ABA) pour améliorer les sources d'approvisionnement en eau, à travers la construction de deux réservoirs (à Piura) et la reconnaissance des services écosystémiques (à Ayacucho).

En savoir plus sur le site d'Euroclima+

 

 

EUROCLIMA+ est un programme financé par l’Union européenne et co-financé par le ministère fédéral allemand de la Coopération économique et du Développement (BMZ), ainsi que par les gouvernements français et espagnol. L’objectif de ce programme est de promouvoir un développement écologiquement durable et résilient au climat dans 18 pays d'Amérique latine, en particulier auprès des populations les plus vulnérables. Sa mise en œuvre est assurée de façon conjointe par sept organismes : l’Agence espagnole de coopération internationale pour le développement (AECID), l’Agence française de développement (AFD), la Commission économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC), Expertise France, la Fondation internationale et ibéro-américaine pour l’administration et les politiques publiques (FIIAPP), l’Agence allemande de coopération internationale (GIZ) et le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE).

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