Lutte contre la criminalité financière : renforcer les capacités des institutions de microfinance ouest-africaines

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Afrique subsaharienne
En Afrique de l’Ouest, la lutte contre la criminalité financière constitue une priorité pour renforcer la sécurité et la stabilité des pays de la région. Pour mener à bien cette lutte, les institutions de microfinance (IMF) doivent faire l’objet d’une attention particulière : très nombreuses dans la région, les IMF jouent un rôle-clé dans l’inclusion financière et la lutte contre la pauvreté, mais présentent également des risques élevés en matière de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme. Pour renforcer leur capacité à lutter contre ces crimes, dans le cadre du projet OCWAR-M financé par l’Union européenne, Expertise France a formé les IMF de sept pays de la CEDEAO, ainsi que leurs autorités de supervision.

En février et mars 2023, le projet OCWAR-M a tenu, à Lomé et à Cotonou, ses derniers ateliers à l’intention des IMF et de leurs superviseurs. Ces ateliers ont clôturé un cycle de formation qui avait pour objectif de renforcer les capacités de ces acteurs en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LBC/FT) ; ils ont permis « de mesurer les progrès accomplis par les IMF et leurs superviseurs depuis leurs premières sessions de formation, de recueillir leurs témoignages sur les difficultés rencontrées dans la mise en place de dispositifs LBC/FT et de tracer les contours des actions futures devant être menées pour renforcer la lutte contre la criminalité financière au sein de ces structures » explique Samuel Diop, expert-clé du projet OCWAR-M et responsable des programmes d’assistance technique pour le compte des institutions financières 

Entre décembre 2020 et mars 2023, seize formations ont été organisées par le projet dans sept pays de la CEDEAO. Ces différentes sessions ont permis de former plus de 320 représentants d’IMF et une centaine de représentants de leurs autorités de supervision. Dans un contexte où plusieurs pays de la région sont inscrits sur la liste grise du Groupe d’Action Financier (GAFI)[1], et où les évaluations mutuelles menées par le Groupe Intergouvernemental d’Action contre le Blanchiment d’Argent en Afrique de l’Ouest (GIABA)[2] ont souligné les vulnérabilités des IMF aux risques de BC/FT, il était important pour OCWAR-M de mettre l’accent sur ce secteur particulièrement sensible.

 

 

 

Les institutions de microfinance : des cibles privilégiées pour les criminels

Les IMF, très nombreuses dans les pays d’Afrique de l’Ouest, jouent un rôle crucial dans la lutte contre la pauvreté et l’inclusion financière en offrant des services financiers à des personnes qui n’y avaient jusqu’alors pas accès. Leur objectif étant d’être accessible au plus grand nombre, certaines règles peuvent y être appliquées de manière moins stricte que dans les institutions bancaires. La majorité des IMF sont de petites structures, avec des ressources limitées, au sein desquelles la connaissance de la réglementation en matière de LBC/FT, et par conséquent son application, demeurent lacunaires. En l’absence notamment d’identification efficace des clients, de système de profilage des clients et des opérations, elles peuvent présenter un attrait important pour les criminels souhaitant blanchir leurs fonds et les financeurs du terrorisme.

Une formation axée sur la pratique à destination des IMF et leurs superviseurs

Pour renforcer la capacité des IMF à prévenir leur instrumentalisation par des criminels, le projet OCWAR-M a travaillé avec les directeurs, employés et représentants d’associations professionnelles de ces institutions. L’objectif de ces sessions était très opérationnel : il s’agissait de leur permettre de comprendre les obligations que leur fixe la loi en matière de LBC/FT et de leur présenter, étape par étape, les mesures à prendre pour se doter d’un dispositif efficace et conforme à ces obligations.

Les superviseurs des IMF ont été associés à ces sessions de formation : l’objectif était de leur permettre d’échanger avec les représentants de ces institutions afin de saisir les insuffisances de leurs dispositifs LBC/FT, mais aussi de mieux comprendre les défis auxquels ils sont confrontés pour les améliorer. Il s’agit d’un point important, car, comme l’a rappelé le Directeur Général de l’autorité de supervision du Bénin[3], Monsieur Rafiou Bello, leur action « vise à sanctionner mais aussi à accompagner ». Les superviseurs ont également bénéficié de modules spécifiques sur les contrôles à effectuer pour s’assurer de la conformité des IMF avec la loi en matière de LBC/FT.

Des IMF et des superviseurs engagés pour lutter contre la criminalité financière

Les sessions d’échanges et d’évaluation organisée début 2023 ont confirmé la prise de conscience et l’engagement des IMF et de leurs superviseurs pour la LBC/FT. Beaucoup de structures ont ainsi rapporté avoir désigné des responsables LBC/FT et mis en place des procédures internes de surveillance des opérations financières suspectes et de diligence raisonnable pour identifier les clients et les transactions à haut risque. Les superviseurs ont également affirmé leur volonté de poursuivre les efforts entrepris afin de renforcer leurs contrôles.

Bien que le chemin à parcourir reste long, car, comme le rappelle Samuel Diop, expert mobilisé sur le projet, ces institutions « sont prises en étau entre leur mission d’inclusion financière et la mise en œuvre de mesures LBC/FT efficaces, et demeurent confrontées à un manque de moyens financier pour renforcer leur dispositif », ces résultats ne peuvent qu’encourager à poursuivre les actions entreprises pour renforcer les capacités des IMF ouest-africaines à lutter contre la criminalité financière.

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[1] Le GAFI, qui est l’organisation mondiale de surveillance du BC/FT fixant des normes internationales visant à prévenir ces activités illégales, identifie les juridictions dont les mesures de LBC/FT sont faibles dans une « liste grise ». Les pays qui y figurent sont placés sous surveillance renforcée le pays et se sont engagés à résoudre rapidement les déficiences stratégiques identifiées dans les délais convenus avec le GAFI. Trois pays ouest-africains figurent actuellement sur cette liste : le Mali, le Burkina Faso et le Nigéria.

[2] Le GIABA est une institution spécialisée de la CEDEAO, chargée du renforcement des capacités des États membres dans la prévention et la lutte contre le BC/FT.

[3] L’autorité de supervision du Bénin est l’Agence Nationale de Surveillance des Systèmes Financiers Décentralisés (ANSSFD), rattachée au Ministère des Finances. En Afrique de l’Ouest, le terme « système financier décentralisé » est utilisé pour désigner les IMF.  

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